Mécanismes d'action
Les mécanisme d’action de l'EMDR.
Professionnels, cette rubrique est pour vous.
- Système de traitement de l’information (TIA)
- La thérapie EMDR et l’exposition
- REM (Rapid Eye Movement – Mouvements oculaires rapides)
- Reflexe d’orientation et réaction de détente
- Déséquilibre dans l’activation des hémisphères
- Modification du lien entre les cerveaux cognitif et émotionnel
Hypothèses
Source : www.essentia.fr
"La connaissance que nous avons actuellement du fonctionnement cérébral ne permet pas d’expliquer avec certitude les effets de la thérapie EMDR, pas plus que ceux d’une autre thérapie. Cela étant, nous pouvons avancer l’hypothèse que les traumas ou les expériences négatives de la vie bouleverseraient l’équilibre du système de traitement de l’information par le cerveau. Ce déséquilibre empêcherait le système de traitement de l’information de procéder à une résolution adaptative. En conséquence, les perceptions, émotions, cognitions résultant de notre expérience seraient « verrouillées» dans le système nerveux.
Bien que l’efficacité de l’EMDR pour les états de stress post-traumatique ne soit à présent plus contestée, aucune des explications avancées sur le mécanisme d’action réel de l’EMDR n’est empiriquement validée. Toutes les hypothèses explicatives avancées jusqu’à présent ne peuvent être totalement réfutées. Chacune connaît cependant des arguments qui la contredisent. Ci-dessous nous présentons les hypothèses actuelles.
Système de traitement de l’information (TIA)
Ce modèle proposé par Francine Shapiro suggère que l’information spécifique au traumatisme serait stockée de manière fragmentée (des images, des sons, des odeurs,…) au niveau cérébral, ce qui empêcherait son intégration dans la mémoire de manière adaptée. Francine Shapiro observe que dans le fonctionnement normal, le cerveau est tout à fait capable de traiter des informations chargées émotionnellement, et elle postule l’existence d’un système de traitement d’information spécifique, traitant les souvenirs traumatiques (2/3 des personnes qui ont vécu un traumatisme unique moyennement intense peuvent digérer ce souvenir de manière spontanée sans aide thérapeutique).
Ce système de Traitement d’Information Adaptatif (TIA) ne fonctionnerait pas chez certaines personnes et, dans ce cas, il pourrait être sous l’effet de la stimulation rythmique bilatérale de l’EMDR. Une fois activé, ce système traiterait de manière accélérée le matériel traumatique. Ainsi, les affects négatifs sont désensibilisés et des informations adaptatives surgissent spontanément. C’est donc le patient ou quelque chose en lui qui, par la stimulation, déclenche ce processus de traitement avec l’aide du thérapeute.
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La thérapie EMDR et l’exposition
L’EMDR peut être comparée à l’exposition, thérapie utilisée en thérapie comportementale. En effet, l’EMDR se centre dans un premier temps sur le vécu traumatique, avec ses affects et ses cognitions, qui doit être activé pour être traité. Ainsi on observe que le niveau de détresse / de perturbation dans le traitement par l’EMDR diminue au prorata du temps de présentation du stimulus, de la même manière qu’on l’observe dans un traitement avec exposition.Quoique l’exposition puisse être considérée comme un élément important dans l’EMDR, quelques observations démontrent que seule l’exposition comme explication pour l’efficacité de l’EMDR ne suffit pas : - Plusieurs études comparant la thérapie EMDR et l’exposition montrent que l’EMDR donne les mêmes résultats que l’exposition, mais en moins de temps : par exemple dans une étude de Wilson, 50h d’exposition contre 3h avec l’EMDR ou l’étude de Vaughan en 1994, 4 séances avec l’EMDR contre 20h d’exposition. - Interrompre l’exposition ne conduit pas à une diminution de la tension au moment où l’anxiété est à son maximum, tandis qu’avec l’EMDR, après chaque stimulation, on questionne le patient brièvement, sans que cela n’empêche qu’une désensibilisation ait lieu. - En règle générale il n’y a pas d’apparition de chaînes associatives ou d’images spontanées lors de l’exposition, alors que c’est bien le cas avec la thérapie EMDR. |
REM (Rapid Eye Movement ou Mouvements oculaires rapides)
Une des premières hypothèses avancées pour expliquer l’efficacité de l’EMDR a été de pointer sa similitude avec la phase de sommeil paradoxal (pendant laquelle ont lieu les rêves et les REM). Cette hypothèse a été réétudiée par Stickgold (1998) sous une nouvelle forme. Cet auteur a étudié tant la consolidation des pensées durant le sommeil, que la pathologie de l’état de stress post-traumatique et son traitement par l’EMDR. Après avoir réalisé des milliers d’analyse de rêves, Stickgold affirme, que lors du rêve, du matériel faiblement associatif provenant du néocortex est transféré durant la phase de sommeil paradoxal, sur base de mécanismes acétylcholinergiques, vers l’hippocampe. A l’inverse, durant les autres phases du sommeil, du matériel fortement associatif de l’hippocampe est transféré vers le néocortex. Ce double transfert affaiblit les associations fortes des souvenirs spécifiques et permet ainsi la formation de souvenirs sémantiques plus généraux et affectivement affaiblis.Dans l’état de stress post-traumatique, le sommeil et le mécanisme acétylcholinergique accompagnant sont perturbés, ce qui diminue donc la possibilité d’affaiblir ces associations fortes. Une séance avec l’EMDR conduirait à une production d’acétylcholine plus élevée, le flux d’information du cortex vers l’hippocampe serait ainsi stimulé. Grâce à la stimulation, on obtiendrait un effet de décodage des souvenirs semblable à celui qui se déroule durant le sommeil paradoxal. |
Reflexe d’orientation et réaction de détente
Armstrong et Vaughan (1998) remarquent que la SBA dans le traitement avec l’EMDR empêche une réaction biologique du souvenir traumatique : la stimulation active une réaction d’orientation, qui contrecarre un niveau d’activation élevé. Ceci a pour effet de produire un effacement accéléré du matériel traumatique. Il y a donc une opposition entre deux systèmes, l’un physiologiquement ancré (réaction d’orientation), l’autre neurophysiologiquement ancré (souvenir traumatique). D’autres recherches doivent encore être menées à ce sujet. |
Attention double
Un principe potentiellement effectif lors de l’EMDR pourrait être l’attention alternée durant la stimulation entre une perception intérieure et extérieure. La « réalité intérieure du passé » pourrait ainsi s’opposer à la « réalité extérieure du présent et de la relation thérapeutique ». Cette idée d’attention double peut être une explication plausible mais est contredite par l’expérience de la thérapie de l’exposition où il a déjà été établi que la distraction n’augmentait pas l’efficacité de l’exposition, mais la diminuait. |
Déséquilibre dans l’activation des hémisphères (Nicosa 1994)
Par la SBA durant le déclenchement du souvenir traumatique il y aurait une synchronisation d’une activation et d’une inhibition dans les réseaux neuronaux des hémisphères droit et gauche auparavant isolés. Cette synchronisation conduirait à une infiltration d’aspects rationnels et émotionnels et à une restructuration du vécu du souvenir. De telles restructurations permettraient la connexion à de nouvelles associations et solutions. Grâce à ce processus, des souvenirs traumatiques sont « réinscrits » et leurs connexions émotionnelles et comportementales affaiblies. |
Modification du lien entre les cerveaux cognitif et émotionnel
Cette approche inclut une nouvelle compréhension psychoneurologique du traumatisme psychique et donc des mécanismes en œuvre dans l’EMDR (Roques 2004, 2006, 2008). En effet l’empêchement de l’élaboration du souvenir épisodique traumatique pourrait être dû à une opposition entre les réflexes de survie, qui impliquent le primat adrénergique du système orthosympathique en cas de danger et le traitement de l’information qui suppose au contraire des conditions de détente et donc l’activité du système cholinergique parasympathique, pour se réaliser. Pour simplifier on peut dire que l’information relative à un souvenir traumatique ne pourrait jamais se faire puisque dès que celui-ci est réactivé, en l’absence de contenus mnésiques comparables déjà intégrés et sémantiquement définis, sa présentation entraîne, ipso facto, un vécu de détresse et donc à nouveau une activation adrénergique
Selon cette théorie psychoneurologique la capacité de penser (ainsi que la disponibilité des contenus cognitifs) est étroitement liée à l’état émotionnel de la personne. Par exemple il est bien connu que l’effroi sidère la pensée, une humeur triste va de pair avec des idées noires. Après l’exposition imaginale qui inaugure la phase de traitement adaptative de l’information en EMDR, la mise en œuvre des stimulations bilatérales alternées (oculaires, auditives ou tactiles) génère une activation du système parasympathique cholinergique (Stikhold 2002). Cette hypothèse est corroborée par l’observation des modifications neurovégétatives au cours d’un traitement EMDR (Aubert-khalfa et al 2008, Elofsson et al 2008). Cette production d’acétylcholine permet une baisse de la tension émotionnelle et donc ouvre un champ associatif cognitif correspondant plus étendu. Ainsi au fur et à mesure des épisodes de stimulations le même contenu traumatique se relie, de proche en proche, à un niveau émotionnel de moins en moins intense et par voie de conséquence à un ensemble sémantique de cognitions liées à des représentations et affects plus adaptés. A la fin du traitement, l’image traumatique initiale cesse d’être négative et douloureuse et une bonne estime de soi est rétablie.